L'hypnose dans le soin
Le Docteur LABADIE, médecin-anesthésiste a initié l’hypnose au sein du GHLRRA dans le début des années 2000. Elle nous en dit plus sur cette technique.
Dr LABADIE, en quoi consiste l’hypnose dans le soin ?
L’hypnose est une technique qui utilise des outils relationnels, linguistiques, de focalisation et de dissociation de la conscience qui permet au patient d’expérimenter un état de conscience différent loin de la réalité stressante et ou douloureuse. Utilisée de façon très ancienne dans de nombreuses cultures, elle a fait ses débuts en médecine au XVIIIème siècle (Charcot, Messmer, Bernheim) puis tombée en désuétude avec l’avènement de l’anesthésie chimique, elle revient au devant de la scène grâce à Milton Erickson, psychiatre américain, qui démontre qu’il s’agit d’un processus naturel accessible à tous et décrit une technique de communication basée sur le langage et dont l’efficacité repose sur la permissivité.
Actuellement il existe un gros engouement pour l’hypnose dans le domaine médical et les techniques utilisées sont dites « ericksonniennes » : processus mental qui isole la personne de son environnement conscient immédiat et dirige son attention vers l’intérieur d’elle-même et vers ses propres ressources, pratiqué par un soignant formé en hypnose ;
Dans le domaine de la douleur aiguë, grâce à de nombreuses études neurophysiologiques nous savons que l’hypnose correspond à l’activité cérébrale spécifique du cortex cingulaire antérieur. Elle peut :
- > Réduire ou stopper l’activité de certaines zones du cerveau normalement activées lors de soins douloureux
- > Modifier la perception de l’intensité et du caractère désagréable d’une douleur
L’hypnose, comme science de l’intercommunication trouve sa place au quotidien dans de nombreuses spécialités en améliorant la qualité de la prise en charge de nos patients : lutte contre le stress et l’anxiété, aide dans l’annonce de diagnostic , soulagement de la douleur chronique, aide dans la gestion des traitements médicamenteux et des effets secondaires : « bientraitance du patient »
Enfin l’hypnose facilite le travail des soignants auprès des patients et le valorise en remettant de l’humain dans la relation : « communication partagée ».
Au sein du GH, la pratique s’est-elle démocratisée ?
Depuis dix ans, le Groupe Hospitalier compte plus de 300 soignants formés à l’hypnose eriksonienne. Un projet médical a été validé par la CME en 2013, soutenu également par la direction. Le développement de l’hypnose est particulièrement important au sein de l’établissement en particulier grâce au caractère transversal de la formation renforçant la cohésion des équipes soignantes qui avaient toutes un objectif de service. Le Groupe Hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis fait partie des hôpitaux les plus formés de France.
Comment sont-ils formés ?
L’hypnose est une technique de communication qui répond à un protocole précis et qui demande un apprentissage .
Le GH permet aux soignants de se former aux trois niveaux de l’hypnose :
- Les outils de communication thérapeutique : une cellule de formation interne qui regroupe cinq médecins et deux infirmières proposent au cours de l’année des formations sur deux jours sur ce premier niveau d’hypnose : 4 à 5 sessions sont prévues chaque année pour assurer la formation de 30 personnes. Cette formation s’adresse à tous les soignants.
- L’hypnose conversationnelle est une technique avancée permettant par l’utilisation de suggestions d’améliorer la prise en charge des patients dans les situations de soin habituelles.
- L’hypnose formelle consiste à accompagner le patient dans un endroit choisi et rassurant, un souvenir agréable de son choix. Elle respecte un protocole établi comprenant une induction hypnotique avec centrage et focalisation de l’attention, un état de transe profonde où le patient «vit» une situation agréable qu’il a choisie, et un retour en fin de séance à une conscience dite normale.
Ces deux techniques nécessitent un apprentissage plus long de 12 jours prodigué par l’institut EMERGENCES de Rennes : une formation par an in situ pour 30 soignants médicaux et paramédicaux faite par des médecins formateurs
Quel bénéfice pour le patient ?
L’hypnose amène de grands changements dans la relation soignant-soigné, le patient devient acteur, il reprend sa position centrale dans le soin. Il découvre qu’il est possible de « bien vivre » le soin, de mieux gérer sa douleur, ou d’appréhender positivement l’acte chirurgical et d’en garder un souvenir non traumatisant
Le service d’anesthésie est-il le seul à proposer l’hypnose aux patients ?
Depuis le déploiement de cette technique en 2002, l’établissement peut proposer ces techniques dans de nombreuses spécialités : neurologie, gériatrie, rhumatologie, néphrologie, oncologie, gynécologie obstétrique, pédiatrie, pneumologie, unité douleur, soins palliatifs, urgences, cardiologie anesthésie, hémodialyse, réanimation… la liste n’est pas exhaustive
Plus concrètement quelques exemples :
- > Pédiatrie : Développement de jeux utilisant l’un des 3 niveaux d’hypnose pour rassurer les enfants et leur faire oublier les soins
- > Néphrologie : réalisation de ponction rénale sous hypnose et anesthésie locale et diffusion d’un film à l’occasion du congrès international Hypnose et Douleurs en mai 2014.
- > Bloc opératoire : Publication d’un article sur la césarienne et accompagnement hypnotique. Alternative à l’anesthésie ou complément (ligature essure, TVT, colonoscopies)
- > Oncologie : annonce diagnostique, gestion des effets indésirables des traitements.
- > Pneumologie : le développement de l’hypnose en tabacologie
- > UMDSP : étude en cours sur l’apport de l’hypnose dans la prise en charge du syndrome fibromyalgique et prise en charge des algodystrophies (projet 2016 multidisciplinaire)
- > Maternité : préparation à l’accouchement, accompagnement des MAP
- > Urgences : techniques hypnotiques en petite traumatologie (film sur la prise en charge des luxations d’épaule)…
- > Hémodialyse : branchement, ponctions fistules, accompagnement dialyse
- > Neurologie : Prise en charge des SEP …
Et la déclinaison de l’hypnose dans les différentes spécialités est encore longue et va probablement s’allonger dans les années qui viennent ; l’intérêt le plus grand des techniques hypnotiques dans le soin est l’amélioration de la communication qui renforce l’alliance thérapeutique avec le patient et permet d’offrir une prise en charge de qualité
Quelle histoire la plus surprenante pouvez-vous nous raconter pour montrer l’expérience qu’un patient peut vivre avec l’hypnose ?
Il m’est arrivé d’accompagner un patient qui devait être opéré de la thyroïde dont les lourds antécédents cardiaques contrindiquaient l’anesthésie générale. La chirurgie s’est faite sous anesthésie locale et l’hypnose lui a permis de « s’évader » sur l’océan pacifique et de refaire ses voyages (le patient avait fait toute sa carrière dans la marine marchande) pendant la chirurgie. A la fin de l’opération qui a duré 3 h, en forme, le patient était prêt à repartir sur ses jambes depuis le bloc opératoire !
Actuellement, l’hypnose est reconnue par la Société Française d’Anesthésie Réanimation comme alternative à l’anesthésie. Un diplôme universitaire (DU) dans différentes universités existe pour les médecins et les chirurgiens-dentistes et depuis janvier 2015, la faculté de médecine de BREST, propose un diplôme inter-Universitaire d’hypnose pour le personnel soignant (médecins, sages-femmes, infirmiers, psychologues, psychiatres) Le prochain congrès « hypnose et douleur » aura lieu du 5 au 7 mai 2016 à St-Malo. Le précédent a eu lieu à La Rochelle en 2014 et a connu un franc succès avec 900 participants |
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